Tags | évaluation routinière, EBP, généraliste |
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Titre original | Collecter des données sur l’évolution du patient pour augmenter son efficacité thérapeutique en orthophonie |
Auteurs | Martinez Perez T., Geurten M., Willems S. |
Date de publication | octobre 2021 |
Revue | ANAE 173 L’efficacité en Orthophonie |
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Disclaimer: Toutes les références complémentaires incluses dans les articles sont des références issues de l’article initial que j’ai choisi d’inclure pour les personnes souhaitant aller plus loin dans leur recherche. Il ne s’agit pas d’articles que j’ai personnellement lus. Ces références complémentaires seront placées dans une bibliographie secondaire dans les prochains articles.
Petite remarque préalable de moi parce qu'ici c'est chez moi et je fais ce que je veux: Ce sujet et cette fiche me tiennent particulièrement à cœur car je pense qu’il s’agit d’une partie importante de notre pratique qui est encore sous-développée. Tâche à nous, les orthos, de montrer l’efficacité de notre travail pour les instances dont nous dépendons, les patients, leurs familles mais aussi et surtout nous-mêmes. Mais je les auteurs vont l’expliquer mieux que moi:
CONTEXTE:
Les orthophonistes sont les championnes de l’évaluation initiale avec des bilans standardisés et normés et pourtant la collecte de données sur l’évolution du patient est peu utilisée. Pourquoi? j’ai mon idée et vous aussi sûrement
L’objectif de l’article sera de montrer l’intérêt de cette pratique ainsi que certaines pistes sans les détailler afin que l’orthophoniste n’ait pas à se baser que sur ses perceptions mais aussi sur des données afin de réajuster ses objectifs régulièrement.
En résumé: on arrête de croire qu'on peut se contenter de suivre notre sens clinique, on n'a pas peur de l’effet re-test parce que bon, les lignes de base c’est la vie mais c’est pas tout et faut pas se leurrer, un jour l'ARS va nous demander des comptes! Macron démission
Aller, c'est parti.
Aller au-delà de l’impression clinique : récolter les données pour des décisions éclairées.
Il y a des outils à notre disposition pour implémenter un monitoring régulier de nos rééducations mais pas encore dans tous les domaines et toutes les situations. La décision même d’utiliser une méthode de rééducation pour une pathologie est un choix subjectif et notre impression de progrès du patient durant la rééducation est sujette aux biais multiples que nous avons envers nous même et nos super pouvoirs d’orthophonistes (Miller et al., 2015, Parker & Waller, 2015).
Je vous laisse avec cette phrase sublime:
“Ainsi, l’influence des biais cognitifs semble la norme plutôt que l’exception tant dans les professions (para)médicales que dans les autres professions.”Sanrey et al., 2020
Une solution semble donc le monitoring régulier et le réajustement de l’intensité et du projet thérapeutique mais une étude montre que la capacité de réajustement est rééducateur dépendant également (de Jong et al., 2012).
Mettre en place un monitoring des progrès et analyser les progrès
Il doit répondre à 4 critères:
+Sensible (influencé par le nb d’item et leur choix et la cotation)
+Valide (teste vraiment ce qu’on veut voir)
+Fiable (même résultats à chaque fois)
+Rapide à administrer, coter et analyser.
Peuvent être des outils normés mais aussi des questionnaires, des observations des epreuves comportementales.
Interprétation des données :
Soit Visuellement sur un graphe , si la courbe monte, c’est que c’est bon.
Soit Analyse de la significativité numérique: “comparer la performance du patient entre deux périodes, par exemple en l’absence d’intervention et pendant l’intervention. L’objectif est de déterminer si le changement observé est suffisant pour être qualifié de statistiquement significatif.” Methode statistique NAP (Non-overlap of All Pairs (NAP), Parker & Vannest, 2009) si le patient progresse mais si les scores sont stables entre les deux prises de mesure on utilise le Tau-U (Parker et al., 2010). Pour les tests binaires (oui ou non, présent ou non) on utilise le test de Mc Nemar.
Soit Analyse de la significativité clinique: on peut réfléchir en terme d’objectifs à atteindre et on se questionne si ces objectifs cliniques sont atteints en concertation avec le patient. On décide alors avec celui ci d’une échelle à 5 (niveau -2 c’est le niveau initial, 0 objectif à atteindre et +2 dépassement de l’objectif): Goal Atteingning Scale voir l’article en français de Krasny-Pacini et ses collègues (2015) qui illustre le GAS
dans la prise en charge de l’aphasie.
Prise de décision à partir des données recueillies:
Si le patient n’évolue pas très vite on se pose des questions sur:
A partir de cela l’orthophoniste peut:
l’introduction d’une complexité croissante dans les activités de rééducation. Autrement dit,
est-ce que la performance du patient chute chaque fois que l’orthophoniste augmente le
niveau d’exigence en séance puis est-ce que les scores du patient augmentent à
nouveau au fur et à mesure des séances suivantes ; et ainsi de suite à chaque niveau
d’exigence ajouté .Si nous observons une telle association à minimum trois reprises (Byiers et al., 2012), alors les données sont en faveur d’une évolution du patient qui est liée à notre intervention et qui apparaît spécifique.
patient s'améliorera uniquement pendant les phases d'intervention (B) avec une disparition ou une stagnation de ce progrès lorsque l'intervention est retirée (A) (Seron, 2016). De manière intéressante, dans ce design, il n'est à nouveau pas nécessaire de mettre en place une mesure de contrôle de la spécificité de notre intervention, puisque le retrait de l’intervention et la comparaison de la performance du patient dans les différentes phases successives nous offrent cette information. Si le patient obtient de meilleures performances dans les phases B par rapport à ses performances dans les phases A, cela suggère un impact spécifique de l’intervention.”
Si on veut aussi juger de la spécificité de l’intervention, on peut changer d’objectif thérapeutique durant la phase de retrait et le patient devrait à nouveau stagner dans ses scores.
mesures au patient avant (phase A pré) et après l’intervention (phase A post) (Seron, 2016).
L’une de ces mesures se compose d’items dits contrôles dédiés à évaluer la spécificité de
l’évolution du patient. Cette mesure devrait être moins influencée par l’intervention en cours
mais tout en étant sensible aux variables externes dont le clinicien souhaite contrôler
l’influence (p. ex. l’effet du temps). Ce sera donc une autre difficulté présentée par le patient
mais non ciblée (pour l’instant) par la prise en charge. Toi qui lis ces lignes sait comment faire des lignes de base.
Est ce que la méthode a atteint son palier ou le patient? Pour vérifier on va utiliser l’alternance de méthodes d’intervention (le design de type ABAC ; Byiers et al., 2012). A la
différence du design ABAB, une approche thérapeutique différente (C) est ici proposée au
patient après la phase de retrait (A) de la première approche thérapeutique utilisée (B). Si une nouvelle méthode de rééduc ne donne pas de meilleurs résultats, on arrête sinon on continue avec la nouvelle méthode.
Encore une fois, le monitoring permet d’identifier des paliers, réajuster les méthodes et dans l’idéal raccourcir la PEC.
Conclusion et perspectives:
Le monitoring des résultats du patient est un outil et une opportunité pour l’orthophoniste de se remettre ne question, de dépasser ses biais (dans la mesure ou les outils sont bien utilisés et qu’on garde en tete que nos interpretations des resultats sont aussi biaisés), de pratiquer une orthophonie basée sur les preuves et de gagner en compétence.
Il est pour cela intéressant de garder une trace de l’intervention: cible, nb de séances, nb de fois ou la cible a été travaillée, stratégies ou progression proposée. Partager ces infos avec l’écosystème du patient est aussi intéressant pour l’engagement du patient et son entourage.
Cette position de doute et de remise en question est vraiment riche et je vous encourage à trouver les articles de G. Duboisdindien sur la zététique!
LIMITES:
Je ne peux qu' applaudir des deux mains la demonstration de notre collègue belge mais je vais vous donner mon gros bémol:
Tant qu’il n'y aura pas d’outils d’évaluation critériée automatisés ou faciles d’utilisation, de générateurs de lignes de bases, de matériel avec monitoring intégré, les ortho clinicienne qui s’empareront de cette pratique resteront la minorité. Des formateurs ont déjà commencé à parler de ces pratiques (L'équipe de Liège évidemment avec notamment C. Maillart, Françoise Coquet, à vous de me dire la suite) mais le temps de mise en place et de démocratisation de la pratique de monitoring va être long. On compte sur les formations initiales et les futures collègues!
Actuellement au cabinet j’utilise les vieux bilans pour le monitoring (forme noire, tcs, ELO…). Je ne parle pas des lignes de bases, je connais le principe mais je n’ai jamais réussi à le mettre en place. Apparemment langageecrit.com etc est un bon outil pour cela mais je ne suis pas fan de leurs tarifs :)