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On va essayer de faire les choses un peu autrement aujourd’hui. Ceci n’est pas un résumé d’article mais ma lecture critique d’un article que je trouve TRÈS intéressant. Déjà, nos collègues d’Outre-Manche parlent de la “rhétorique” de l’EBP. Effectivement, nous avons toutes vu des formations se dire “EBP” ou utiliser des termes accrocheurs qui font sérieux. Mais qu’est ce que l’EBP et pourquoi on ne peut pas dire qu’une méthode est EBP? Veuillez noter chères et estimées collègues que cet article date de 2011, perso quand j’ai été diplomée en 2009, l’EBP c'était encore loooooiiiin sur mon radar. La lecture critique d’articles, n‘en parlons même pas…
TagsGénéraliste, EBP, éthique
Titre originalEvidence-based practice: SLTs under siege or opportunity for growth? The use and nature of research evidence in the profession
AuteursMcCurtin Arlene, Roddam Hazel
Date de publication2011
RevueInternational Journal of Language & Communication Disorders JANUARY–FEBRUARY 2012, VOL. 47, NO. 1, 11–26
Lien Source10.1111/j.1460-6984.2011.00074.x

Disclaimer: Toutes les références complémentaires incluses dans les articles sont des références issues de l’article initial que j’ai choisi d’inclure pour les personnes souhaitant aller plus loin dans leur recherche. Il ne s’agit pas d’articles que j’ai personnellement lus. Ces références complémentaires seront placées dans une bibliographie secondaire dans les prochains articles.


Les origines de l’EBP:


Initialement, on considérait la science comme partie intégrante de la pratique orthophonique et était même à la base des décisions cliniques ou de l’efficience ou non d’un traitement (Singh et Ernest 2008), on oppose ainsi la démarche scientifique à la démarche non scientifique qui serait basée sur les croyances, les arguments d’autorité, l’expérience, ou l’intuition (Lum 2002).
Les origines de l’EBP sont basées sur:
  • la nécessité des orthophonistes à rendre des comptes sur leur pratique (Lum 2002).( Là on entrevoit pourquoi les anglo-saxons sont en avance sur nous sur ce sujet. Dire qu’on nous lâche la bride en France est un euphémisme),
  • le manque de suivi des recommandations de bonne pratique (Cohen et Hersch 2004) (Suivez mon oeil:https://www.college-franc) si jamais vous avez envie d’emmener un petit truc facile à lire à la plage /s
  • l’usage de méthodes inefficaces et la sous-utilisation des outils efficaces (Walshe et Rundall 2004)
  • A priori, l’un des déclencheurs de cette démarche fut la constatation des divergences de prises en charges de la dysphagie, parce que bon, si ya un sujet où on peut faire vraiment n’importe quoi sans risque c’est celui là encore une fois /s (Mathers-Schmidt et Kurlinski 2003). On en arrive donc à l’EBP et notamment l’evidence-based medicine, 25000 réponses sur Medline en 2006, c'est presque aussi fort que Beyoncé.

    La définition de l’EBP:


    Je cite la définition de Dollaghan (2007) qui adapte celle de Sackett et al. (2000), vous la retrouverez également dans le Mooc incontournable de l’équipe de Liège (Maillard et al. https://www.fun-mooc.fr/f
    La pratique basée sur les preuves est une démarche consciente qui s’appuie sur trois facteurs (ou piliers, c’est comme vous aimez) :
  • Les meilleures preuves externes disponibles et leur intégration dans la pratique
  • L'expérience clinique du professionnel ou connaissances internes lol
  • Les préférences du patient informé dernier point super important à mon sens
  • On voit bien que finalement, on suggère beaucoup le 1er point dans les formations mais alors le 3ème il a un peu tendance à passer à la trappe. Je suis mauvaise langue, il existe des formations de qualité en partenariat parental, guidance et la notion de patient expert fait son chemin je vous renvoie vers Mireille Kerlan qui a toute mon admiration.
    Gardez en tête les articles scientifiques suivent une hiérarchie (du plus haut niveau de preuves au plus bas):
  • Méta-analyses
  • Revues systématiques
  • Essais controlés randomisés
  • Etudes de cohortes
  • Etudes de cas
  • Etudes transversales
  • Séries de cas, Observations

  • Donc de là vous faite ce que vous voulez, vous pouvez lire vos articles directement, vous abonner à des revues pst, allez voir leur note sur scimago, écoutez des podcasts ou formez vous mais sachez que plus il y a d’intermédiaires entre vous et l’information, plus elle est déformées et diluée… Je vous conseille fortement de rester perplexe et de suivre la démarche de zététique développée ici par le sympatoche Guillaume Duboisdindien https://speakerdeck.com/d

    Et là, j’en arrive à parler d’une chose dans laquelle on va toutes se retrouver:

    3.Les freins:


    Plante (2004) relève que les preuves actuelles n'arrivent pas à couvrir l’ampleur du champ de pratique des orthophonistes héhé. On note également que parfois les études se contredisent et souvent ne donnent pas de “connaissances utilisables” (Justice et al., 2008).
    L’idée d’utiliser un protocole “tout prêt” comporte également ses défauts, avec notamment un désengagement de l’orthophoniste et du patient (Nelson et al. 2006). Les études et leurs protocoles correspondent au patient moyen mais la moyenne etant une somme d’individualité, le patient moyen n’existe pas. On note également le frein important du temps et de la disponibilité des articles. La lecture critique des articles scientifiques n’a également que récemment fait son apparition dans la formation initiale des orthophonistes.

    Finalement, on se rend compte que l’EBP n’a pas atteint le niveau d’acceptation attendu (Miles et al., 2007) et particulièrement chez les orthophonistes. Une enquête auprès des orthophonistes irlandaises en 2009 a montré que seules entre 5.5% et 17.7% d’entre elles faisaient des recherches pour guider leur pratique et qu’en cas de questionnement clinique 99.6% se tournaient vers leurs pairs (Zipoli et Kennedy, 2005). On relève également l’importance de la formation initiale et de la formation continue, cette dernière comptant à 60% dans le changement de pratique des orthophonistes interrogées.

    Les orthophonistes et les pros de santé en général, ont une culture de où l’expertise et l’autorité clinique sont particulièrement respectées (Bennett et al. 2003, McCaughan et al., 2005…), parfois même l’argument d’autorité l’emporte dans la prise de décision (Oswald et Bateman, 2000). Je n'ai pas besoin de vous dire à quel point c’est problématique.

    Mais alors on fait quoi? L’étude de Pennington et al. (2005) montre que l'entraînement à la lecture critique et à la recherche d’information des orthophonistes n'entraîne pas de renouvellement de leur pratique à 6 mois LOL.
    Pour de nombreuses orthophonistes, l’EBP représente une charge en plus dans leur pratique alors qu’elles sont déjà débordées.

    4. Repenser l’EBP:


    Loin de dire que l’EBP est une ligne directrice à suivre, il s’agit d’une opportunité dont les orthophonistes doivent se saisir. Même si la recherche en orthophonie n'en est qu’à ses débuts Doctorat en orthophonie, je te regarde, il y a des domaines où la recherche a bien avancé. Dans le désordre: la phonologie (Law et al. 2003, Gillam and Kahmi 2007, Carter and Edwards 2003), la CAA (Nunes 2008, Yoder and Stone 2006), traumas crâniens pédiatriques (Laatsch et al.2007) et l’aphasie (Moss and Nicholas 2007). A nous de piocher dans ces résultats pour adapter notre pratique aux patients, ses symptômes et ses préférences.
    Hammersley (2001) propose de changer le terme EBP (evidence based practice) en EIP (evidence oriented practice), en français, une pratique guidée par les preuve ce qui nous permet de réintroduire le pilier expertise clinique dans la triade car il reste à valoriser la capacité des orthophonistes à faire le tri dans les données scientifiques et cliniques et de choisir ce qui lui correspond ainsi qu’au patient.


    L’article finit sur ces recommandations et ces points à creuser:
  • Importance de l’apprentissage de la pensée critique et de l’EBP en formation initiale et continue.
  • La communauté scientifique doit continuer à chercher haha et augmenter le volume des données scientifiques disponibles en orthophonie.
  • Il faudrait faire des recherches sur comment et quand les orthophonistes modifient leur pratique suite à leurs lectures.
  • Une évaluation des qualités scientifiques de la formation continue est nécessaire Qualiopi je te regarde
  • Les orthophonistes doivent faire pression sur les chercheurs pour qu’ils cherchent et partagent leurs trouvailles diamond open access forever
  • Des reviews sur les autres piliers de l’EBP seraient également nécessaires.
  • La profession doit créer des opportunités pour faciliter l’accès et le transfert des connaissances à la pratique orthophonique.