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Voici un article qui n'en est pas un, c'est le document préalable à la création de la cohorte Marianne qui recherchera les facteurs de risque de TND. Un petit billet pour pouvoir répondre quand on vous dit "maintenant tout le monde est hyperactif!"
TagsTND, TSA, prévalence, généraliste
Titre originalPrévalence des troubles du neurodéveloppement Document préparatoire à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement 2023-2027
AuteursPeyre Hugo, Baghdadli Amaria, Ramus Franck, Galéra Cédric
Date de publicationmars 2023
Revuepas une revue mais: Center of excellence for Autism and Neurodéveloppemental disorders of Montpellier (Oui oui baguette)
Lien Sourcehttps://handicap.gouv.fr/sites/handicap/files/2023-11/Document%2

Disclaimer: Toutes les références complémentaires incluses dans les articles sont des références issues de l’article initial que j’ai choisi d’inclure pour les personnes souhaitant aller plus loin dans leur recherche. Il ne s’agit pas d’articles que j’ai personnellement lus. Ces références complémentaires seront placées dans une bibliographie secondaire dans les prochains articles.


Je ne sais pas vous, mais il y a des phrases qui me font tout de suite monter la moutarde au nez. Je vais vous en donner quelques unes et je pense bien que vous les avez déjà entendues: “Ouais mais à l’époque, ça existait pas les autistes” “Maintenant tout le monde est hyperactif” “Les enfants surdoués sont plus sensibles que les autres, et puis dépressifs aussi!”. J’appelle ça l’attaque des boomers nostalgiques. En général, je garde le nez dans ma salade et produit un vague grommellement que l’interlocuteur interprète en général (à tort) pour un acquiescement.


Je vous présente un résumé du document préparatoire à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement. Ce document prépare à la création de la cohorte Marianne qui a pour but, entre autres, de mettre en lumière les facteurs de risque des troubles du neurodéveloppement. Donc là on est totalement dans le coeur de l’intervention de l’orthophoniste, y’a des chiffres, ya de l’argument, les auteurs et relecteurs ont moins de 70 ans bref je transpire déjà.

Donc ça commence direct dans le vif du sujet:

Résumé:


  • Un enfant sur 6 a un Trouble du NeuroDéveloppement (TND).
  • Les difficultés cognitives persistent à l’âge adulte chez 70% des personnes avec un TND.
  • La prévalence estimée de l’ensemble des TND augmente depuis la fin du 20ème siècle dans la plupart des pays du monde, en particulier le Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) et le Trouble du Déficit de l’Attention et/ou Hyperactivité (TDAH).
  • Les raisons de ces augmentations sont insuffisamment comprises mais l’implication d’expositions environnementales est suspectée.
  • Des études épidémiologiques supplémentaires doivent être menées en France pour estimer la prévalence des TND dans la diversité des territoires, en surveiller l’évolution au cours du temps et examiner le rôle causal de certaines expositions environnementales.

  • Contexte:


    Le texte a pour but de faire un état des lieux et de fournir des données scientifiques et des pistes de réflexion pour la stratégie nationale autisme au sein des TND 2023/2027. Alors, j’admire l’optimisme des chercheurs qui partent du principe qu’il y aura des sous pour cela dans les années qui viennent et qu’ils n’auront pas été dépensés pour genre… le SNU.

    Prévalence des TND: un objet d’étude complexe sans blague


    Les questions scientifiques auxquelles les recherches épidémiologiques ont cherché à répondre sont :
  • Quelle est la prévalence des TND ?
  • Est-ce que la prévalence des TND varie selon les lieux et surtout les périodes ?
  • Si oui, pourquoi ?
  • Les estimations de prévalence varient largement selon les méthodes utilisées pour identifier les cas et la nature des données collectées. Néanmoins, des études menées en France, ont répété des mesures de prévalence du TSA au cours du temps, avec des méthodes similaires, permettant ainsi d’étudier l’évolution des prévalences au cours du temps en France (Delobel-Ayoub et al., 2020; Ha et al., 2020).
    On note que les seuils nationaux (parfois même au sein même d’un pays) à partir duquel un diagnostic est retenu varient grandement (voir Di Folco et al., 2021, pour la dyslexie par exemple.), il faut également tenir compte d’autres paramètres comme l’accès au soin (Zeidan et al., 2022).

    Au fait, c’est quoi les TND et on y met qui? Petit rappel qui va bien et qui sort du DSM-5 et CIM-11:
  • Le Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA).
  • Le Trouble du Développement Intellectuel (TDI, anciennement nommé retard mental puis déficience intellectuelle).
  • Le Trouble du Déficit de l’Attention et/ou Hyperactivité (TDAH).
  • Et les troubles “Dys”, incluant : TDL, troubles de l’articulation ou de la fluence, TSLE, Dysgraphie, Dyscalculie, Dyspraxie (à priori maintenant c’est trouble développemental de la coordination, personne m’a prévenue).

  • Là, petit encart que ça dure toute la vie et ça coûte des sous à l’Etat sur la même durée:
    Une estimation d’un coût global vie-entière lié à la pathologie de plus de 2 millions d’euros par personne avec un TSA associé à un TDI, et de plus de 1.3 millions d’euros pour ceux avec un TSA sans TDI associé (Buescher et al., 2014)

    Les deux TND qui ont le retentissement le plus sévère (en moyenne) sont le TSA et le TDI (Bishop, 2010).
    La présence d’un autre TND associé est très fréquente (>50% des individus) et aggrave encore l’impact fonctionnel du TND mais souvent peu relevées dans les études.
    Les maladies fréquemment associées sont l’épilepsie, les troubles gastro-intestinaux, les pathologies cardio-vasculaires, les pathologies de la vision et de l’audition, les troubles du sommeil, les troubles du comportement alimentaire, et les troubles anxieux et la dépression (Croen et al., 2015; Lai et al., 2019).
    Une récente méta-analyse a montré une surmortalité chez les personnes avec un TSA (Catalá-López et al., 2022).

    Prévalence des TND : des troubles fréquents, en augmentation, mais sous diagnostiqués en France


  • Une prévalence élevée et en augmentation

  • Les auteurs rapportent une augmentation de la prévalence de l’ensemble des TND entre la période 2009-2011 (16.2%) et la période 2015-2017 (17.8%, soit environ 1 enfant sur 6) (Zablotsky et al., 2019).
    Cette augmentation concernait en particulier le TSA (de 1.1% en 2009-2011 à 2.5% en 2015-2017), le TDAH (de 8.5 à 9.5%) et le TDI (de 0.9% à 1.2%).
    Les troubles Dys continuent à être nettement moins étudiés que les autres TND (Bishop, 2010). Il y a trop peu de données disponibles dans l’étude de Zablotsky et al. pour juger d’éventuelles variations récentes de leur prévalence.

  • Quelques résultats des études de la prévalence des TND en France

  • L’étude de Delobel-Ayoub et al. publiée dans le Bulletin Hebdomadaire d’Epidémiologie (BHE) indique une augmentation des diagnostics de TSA chez les enfants de 8 ans nés entre 2007 et 2009 par rapport à ceux nés entre 1995 et 1997 (augmentation de 2.3 à 7.7‰ et de 3.3 à 5.6‰ pour le RHE31 et le RHEOP respectivement) (Delobel-Ayoub, Klapouszczak, et al., 2020).
    Dans le RHE31, le rapport de 2021 indique encore une poursuite de l’augmentation ; en effet, la prévalence du TSA chez les enfants nés entre 2009 et 2011 est estimée à 9.5‰ (Delobel-Ayoub et al., 2021).
    Une autre étude menée par Ha et al., également publiée dans le BHE, a examiné les données du Système National des Données de Santé (SNDS) collectant les informations concernant les diagnostics renseignés lors des hospitalisations.
    L’étude de Ha et al. rapporte une prévalence en 2017 des diagnostics de TSA à l’âge de 7 ans de 7.4‰, donc assez proche de l’estimation du RHE31 pendant la même période.
    Ça grimpe, ça grimpe! On est pas prêtes d’être au chômage, sauf si cette progression motive nos instances à dérembourser les soins orthophoniques!

  • Des arguments en faveur d’un sous-diagnostic des personnes avec un TSA en France

  • Bizarrement on a le moins d'autisme d’Europe:
    En France, la prévalence est estimée à 0.8% pour le RHE31 et 0.6% pour le RHEOP (Delobel-Ayoub et al., 2020). On arrive même à 0.5% dans le Sud-Ouest de la France.
    Islande: 3.1% en Islande (Delobel-Ayoub, Saemundsen, et al., 2020).
    Italie: proche de 1% en Italie (Narzisi et al., 2018)
    Espagne: proche de 1% (Morales-Hidalgo et al., 2018).
    Et aux Etats-Unis, c’est 2.3% (mais bon, il y a du sur-diagnostic)
    Donc bon, faut pas être neuneus, c’est pas qu’on a une zone protégée en France, c’est surtout qu’on est frileux niveau diagnostic.

  • Une prévalence du TSA en augmentation dont une partie des causes est inconnue

  • Donc même si les critères diagnostics évoluent et incluent peut être plus de monde et que l’accès au soin et au diagnostic ont une influence sur les chiffres, ils n’expliquent pas tout.
    (Weintraub, 2011). D’autres facteurs pourraient contribuer à l’augmentation de la prévalence du TSA, et plus largement des TND, notamment l’influence des changements majeurs de l’environnement (alimentation, mode de vie, activités professionnelles, pollution des milieux, etc…).
    Il est important de mener de nouvelles recherches qui permettent de déterminer lesquelles de ces hypothèses sont correctes et lesquelles ne le sont pas. Des études ultérieures sont indispensables et la stratégie nationale autisme au sein des troubles du neurodéveloppement 2018-2022 a décidé, en 2022, de financer la cohorte nationale MARIANNE pour étudier l’implication d’expositions environnementales.
    Les participants de cette cohorte seront recrutés pendant la grossesse. La plupart des participants auront un risque élevé de TND en raison d’antécédent de TSA dans la fratrie. La cohorte MARIANNE prévoit d’inclure 1700 familles (6300 individus) et va donc nécessiter la mobilisation de très nombreux Centres Hospitaliers (CH) et Centre Ressources Autisme (CRA) pour les inclusions.

    Conclusion:


    Une intensification de l’effort de la stratégie nationale autisme au sein des troubles du neurodéveloppement mise en œuvre sur la période 2018-2022 est indispensable compte tenu du sous-diagnostic des personnes avec un TSA en France (et plus largement des TND) et de la nécessité de mettre à jour les différentes causes de l’augmentation de la prévalence de ces troubles.

    Le déploiement des plateformes de coordination et d’orientation (PCO) 7-12 ans, à la suite des PCO 0-6 ans, permettra d’améliorer la détection des différents types de TND, y compris ceux (comme le TDAH et les troubles Dys) dont le diagnostic est habituellement fait pendant la période scolaire.

    Enfin, quelques pistes futures sont suggérées dans le but d’améliorer la surveillance de la prévalence des TND en France :
  • Encourager la participation de davantage de CH et de CRA à l’inclusion de participants dans la cohorte MARIANNE.
  • Étendre les registres collectant les données issues des MDPH (mais aussi d’autres sources telles que le PMSI et le SNDS) à une plus grande part du territoire national (compte tenu de la diversité des territoires en termes d’accès aux soins mais aussi d’exposition à des facteurs de risque de TND) et à l’ensemble des TND (actuellement les registres ne collectent que les données concernant le TSA). La collecte des informations recueillies par les PCO permettra également d’identifier des enfants présentant des TND qui ne sont pas pris en charge par les MDPH, pour des données de soins non renseignés dans le PMSI et le SNDS.
  • Créer une étude épidémiologique, répétée tous les 4 ans, sur les TND à partir d’un échantillon représentatif d’enfants résidant en France, et adoptant une approche systématique sur le modèle de la NHIS (collectant régulièrement des informations à partir de questionnaires parentaux). Dans ce sens, l’étude ENABEE (étude nationale sur le bien être des enfants) permettra d’estimer l’évolution de la prévalence du TDAH (mais pas les TSA).

  • ^^ là je vous ai mis la totale parce que c’était vraiment trop intéressant. Donc voilà vos arguments pour vos prochains repas de famille avec tonton ronchon!