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Maintenant que nous sommes sensibilisées à ce qu'est le validisme, réfléchissons comment cela peut impacter nos prises en charge. Promis, je ne charge pas la mule et je vous ajoute des solutions!
Tagséthique, TSA, Validisme, PEC précoce
Titre originalAutistic Self-Advocacy and the Neurodiversity Movement: Implications for Autism Early Intervention Research and Practice
AuteursLeadbitter Kathy, Leneh Buckle Karen, Ellis Ceri, Dekker Martijn
Date de publicationavril 2021
RevueFrontiers in psychology
Lien Sourcehttps://doi.org/10.3389/fpsyg.2021.635690

Disclaimer: Toutes les références complémentaires incluses dans les articles sont des références issues de l’article initial que j’ai choisi d’inclure pour les personnes souhaitant aller plus loin dans leur recherche. Il ne s’agit pas d’articles que j’ai personnellement lus. Ces références complémentaires seront placées dans une bibliographie secondaire dans les prochains articles.


Vous connaissez le podcast méta de choc? “Et si on se demandait pourquoi on pense ce que l’on pense?” Je ne prétend pas avoir le talent d' Élisabeth Feytit, hein! Mais si nous réfléchissions ensemble à pourquoi nous faisons ce que nous faisons en orthophonie? Est ce que nous servons le patient à vouloir le rendre “le plus normal possible?”

" Il est essentiel d'éviter les techniques d'intervention pouvant causer des dommages émotionnels, un principe sous-jacent de notre intervention est de soutenir la capacité de l'enfant autiste à exercer un choix et un contrôle sur sa vie."
Leadbitter et al., 2021

Introduction


La discussion sur la neuro divergence a commencé il y a très longtemps de l’autre côté de l’océan mais comme d'habitude, elle arrive tranquillement trop en France. Aux Etats-Unis, on parle de “mouvement neuro divergent”. Celui-ci est apparu dans les années 90 (Singer, 1998). Les voix n’ont fait que s’élever et le mouvement grossir dans les années 2000, merci Internet (Kras, 2009).
L’un des principe de base du mouvement est que les variations dans le fonctionnement neurologique des individus est normal et peut apporter une valeur ajoutée à l’humanité et ils rejettent le terme de pathologie (Jaarsma and
Welin, 2012; Kapp, 2020). Le mouvement s’intègre dans la tendance globale de défense des droits des personnes en situation de handicap (Hughes, 2016).
L’impact de ces revendications a été l’émergence de nouveaux concepts éthiques, théoriques et idéologiques.
Dans le domaine de la recherche par exemple, ce changement de point de vue a permis l’émergence de la théorie du “problème de double empathie” et de la notion de diversité dans l'intelligence sociale (Milton, 2012; Crompton et al.,2020) ou encore la sensibilisation aux problèmes de santé mentale dans la communauté autiste (Autistica, 2015; National Autistic Taskforce,2019).
Notons que tous ces changements concernent la population adulte et que peu de changements ont eu lieu concernant la prise en charge précoce, c’est le but de cet article de nous faire réfléchir sur ce point.

Implications pour la prise en charge précoce


A priori, tout le monde est OK pour dire que la prise en charge précoce est importante en autisme (UK Parliament, 2020) mais c’est autre chose quand on parle du contenu. L’objectif principal en PEC précoce a longtemps été de faire sortir l’enfant autiste “de sa coquille” et de le rapprocher le plus possible d’un enfant “normal” (Park, 1972; Kaufman, 1976; Maurice, 1998). Si on part du principe que le fait d’être autiste est une partie importante de la personnalité de l’enfant, on lui demande alors de refouler ce qu’il est pour se conformer aux attentes que la société a de lui (Sinclair, 1993).
Si on comprend le point de vue, des voix s’élèvent contre cette vision idyllique et que celle-ci n’est pas transposable à tous, notamment les enfants non-verbaux ou avec des déficiences intellectuelles. Des parents, arguent que c’est justement ces prises en charges précoces et ces méthodes demandant une compliance qui ont permis à leur enfant d’exprimer leur voix (Happé and Frith, 2020; Hughes, 2020).
Une vision modérée serait de reconnaître l’intérêt de la neuro diversité dans la société en tenant compte cependant dans faiblesses individuelles pouvant être compensées.

Voici les trois points essentiels à considérer pour mitiger les effets du validisme sur les prises en charge précoce:
  • Écarter toute idée de “Guérison” ou de “Normalisation” (Happé and Frith,2020), il s’agit ici d’une opposition conceptuelle et existentielle. En persuadant la personne autiste qu’elle doit être guérie alors même que la notion de guérison est inconciliable avec la neuro divergence a un effet psychologique dévastateur et occasionne des comportements de “masking” (Milton and Moon, 2012; Mandy, 2019).

  • Sensibiliser et adapter autant que possible l’environnement du patient et avoir une approche écosystémique (famille et intervenants). La prise en charge devra encourager les opportunités d'auto régulation sensorielle, physique et émotionnelle dans la vie de tous les jours (Randell et al., 2019). On pourra également relever et essayer d’éliminer les causes externes de difficultés liées à l’environnement. La guidance et la sensibilisation aux particularités du patient de l’entourage sera essentielle.

  • Le dernier point concerne les comportements indésirables et préjudiciables au patient. Ceux-ci ne seront considérés comme tels que s’ils provoquent un danger physique ou un inconfort au patient ou s’ils représentent une violation des droits des autres.

  • C’est à nous de faire un numéro d’équilibriste sur le fil qui sépare le soutien du développement de chaque personne autiste et la suppression des comportements détrimentaux sans chercher à normaliser à tout prix.

    Les solutions pour réorienter notre pratique:


  • Tenir compte des motivations internes et des expériences positives:

  • On aura tendance à essayer d’éliminer les comportements que nous voyons comme perturbateurs alors qu’ils peuvent avoir une fonction de régulation pour l’enfant (le flapping par exemple) (Bascom, 2012; Kapp et al.,2019). Il faut aussi garder en tête que différentes progressions permettent d’arriver aux mêmes objectifs, par exemple l’écholalie et l’hyper lexie pour le langage oral et écrit respectivement (Mottron, 2017). Travaillons donc avec les comportements présents et voyons comment ils peuvent servir des objectifs communs sans essayer de travailler “contre”.

  • Réévaluer les objectifs thérapeutiques:

  • On aura tendance à plaquer nos objectifs sur l’idée qu’on se fait de ce qui est nécessaire à une vie épanouie sans considerer que cela peut ne pas coïncider avec les priorités d’une personne autiste (Buckle, 2013; Milton, 2014; Iemmi et al., 2017). La communauté neuro divergente a partagé des exemples concrets de freins à leur qualité de vie et leur santé mentale: l’inertie autistique (Buckle et al., 2020), les compétences nécessaires à la vie courante (Pellicano et al., 2014), l’intolérance
    à l’incertitude (Rodgers et al., 2018), et l’anxiété (Robertson et al., 2018).

  • Mettre l’accent sur les forces, le bien-être et le plaisir:

  • La prise en charge et le compte-rendu de bilan devra parler en priorité des forces et des capacités de l’enfant. La poursuite d'activités plaisantes permet une baisse de l’anxiété et des comportements négatifs et promeut le lien social (Mottron, 2017; Grove et al., 2018; Wood, 2019). La vision en terme de capacités et de forces de la personne neuro-divergente consiste à augmenter les comportements positifs et non réduire les déficits (Burnham Riosa et al., 2017; Dykshoorn and Cormier, 2019).
    On évitera également de travailler sur des points qui au final ne sont un problème que pour la société par exemple, le besoin de solitude ou le manque de prosodie.

  • Promouvoir l’autonomie:

  • Alors là on parle pas de la capacité à aller faire les courses mais plutôt du droit à dire non et à prendre ses propres décisions concernant sa vie. Les personnes autistes une fois adultes ont pu témoigner de leur détresse suite au non-respect de leurs refus et du sentiment de passivité et des risques de maltraitance qui en découlent (Kirkham, 2017; McGill and Robinson, 2020). Pour cela, il est essentiel de prodiguer à la personne autiste des moyens de communication, quels qu’ils soient et de respecter ses demandes et surtout ses refus.


    Un petit exemple concret qui m’a aidée:
    Prenons le cas de l’attention conjointe. Les orthos le bosse comme des gue-din notamment à cause de l’étude de Nowell en 2020 qui montrait que des bonnes capacités d’attention conjointe prédisaient positivement le développement du langage oral chez l’enfant autiste de 1 à 2 ans SAUF QUE ce n’est pas parce qu’on travail l’attention conjointe par une demande de regard chez un enfant réticent qu’il va avoir un meilleur développement langagier.
    Vous voyez la nuance? L’attention conjointe n’est pas une condition siné qua non du langage (verbal ou non). Avant de commencer à vous prendre la tête avec ça, demandez vous dans quelles conditions l’engagement de l’enfant est le meilleur. L’engagement doit venir des deux côtés et l’attention conjointe n’est pas forcément un regard dans le TSA.
    Forcer le contact visuel, notamment par la rétention d’un objet ou d’un aliment est une forme de violence. Désolée, je l’ai dit… On peut permettre l’émergence du langage sans forcer des comportements, je vous renvoie pour cela à toute la tripotée de formations qui existent, consultez cependant celles qui sont reconnues par la HAS. Pas de pub ici mais Oséo fait du bon boulot, il existe également le programme Saccade mais je crois que c’est surtout au Canada… Ensuite, vous avez toutes les formations en CAA, avec Albane Plateau et CAApables en chefs de file.

    Je vous renvoie également vers l’excellent résumé et l’analyse tout en finesse d’Aude Fresnay sur le même sujet, les grands esprits se rencontrent ;) et elle a le mérite de pas en faire des tartines comme moi
    https://lobster-orthophon