Connexion

Articles

Rechercher

Avec cet article, j'aimerai ouvrir une réflexion sur notre part de responsabilité dans la transmission de biais négatifs concernant les familles et les patients. Les auteurs ont étudié les remarques dans les dossiers de bébé en neonatalogie et on évalué leur contenu (négatives, neutres ou positives) et on ensuite regardé l'appartenance ethnique des familles. Le resultat ne surprendra personne.
Tagséthique, bilinguisme, écrits professionnels
Titre originalTransmission of negative biases through social commentary included in neonatal intensive care unit progress notes
AuteursShaikh Henna, Billimoria Zeenia, Vandeleur Daron, Weiss Elliott M.,Batra Maneesh, Hedstrom Anna B.
Date de publication2023
RevueJournal of Perinatology
Lien Sourcehttps://doi.org/10.1038/s41372-023-01635-2

Disclaimer: Toutes les références complémentaires incluses dans les articles sont des références issues de l’article initial que j’ai choisi d’inclure pour les personnes souhaitant aller plus loin dans leur recherche. Il ne s’agit pas d’articles que j’ai personnellement lus. Ces références complémentaires seront placées dans une bibliographie secondaire dans les prochains articles.


Pourquoi j’ai choisi cet article? Je pense qu’il est important que nous reconnaissions les biais que nous pouvons véhiculer par nos écrits ainsi que nos échanges avec les professionnels. On sait maintenant que notre façon de diagnostiquer est influencée par l’origine ethnique et socio-culturelle des patients là aussi j’ai un article sous le coude, pensons également à l’influence que peuvent avoir nos écrits et notamment le CRBO qui suivront le patient tout au long de sa vie.
Je sais déjà que je vais perdre la moitié qui va se dire “m’enfin, de quoi tu m’accuses!! J’aimais je n’ai eu de commentaire négatif à propos d’aucun de mes patients voyons!” D' un, je ne vous crois pas et de deux, lisez quand même parce que l’article est passionnant.


Introduction


On sait maintenant que les patients ne subissent pas le même traitement selon qu’ils soient blancs ou d’origine éthnique différente. Pour bien se remettre tout cela en tête, les auteurs rappellent quelques données liés à la naissance parce que c’est un journal de néonat hein!:
Les enfants de parents noirs ou amérindiens ont plus de chances de naître prématurément (Marches of Dimes, 2021), ces différences étant réduites pour les femmes noire donnant naissance aux USA versus celles donnant naissance au Canada (David et al.,1997; Elo et al., 2014; McKinnon et al., 2016).
Les études tendent à prouver que les familles hispaniques et noires reçoivent moins de soutien et de conseils lors de leur séjour en néonatalogie ayant pour conséquence un plus gros taux d’échec d’allaitement, un fort taux de réhospitalisation et de décès (Cricco-Lizza et al., 2006; Martin et al., 2016; Sigurdson et al., 2019; Lee et al., 2011; Barfield et al., 2008; Hintz et al., 2015; Karvonen et al., 2021; Morales et al., 2011; Howell et al., 2018), ces disparités tendent à disparaître quand les médecins s’occupant de l’enfant sont noirs (Greenwood et al., 2020). Je ne vous cache pas que j’ai eu les larmes aux yeux en écrivant ce paragraphe, on est en 2024 bordel!
Les soignants ont un rôle à jouer pour améliorer ces statistiques en reconnaissant leurs propres biais (Smedley et al., 2003) et en les combattant. Les biais cognitifs ont un rôle à jouer pour traiter des informations multiples et prendre des décisions dans des situations complexes, ils sont plus particulièrement sollicitées dans les situations de stress et de pression donc souvent en milieu hospitalier. Les biais négatifs concernant les personnes concernent plus souvent des personnes hors de notre groupe ethnique et aux Etats-Unis, la plupart des professionnels de soin sont blancs en France aussi hein, ne parlons même pas des orthophonistes!
Le test d’association implicite montre que les soignants ont plus vite tendance à juger un patient comme non-coopérant quand il est noir ou hispanique (Malna et al., 2018).

Les auteurs expliquent ensuite l’importance des notes de suivi dans le dossier patient qui servent à noter les progrès mais incluent également des commentaires concernant la vie quotidienne et la famille, ils parlent alors de commentaires sociaux (Nous garderons ce terme qui servira à qualifier toutes les notes du dossier qui ne sont pas purement médicales). Les auteurs vont donc s’intéresser au langage utilisé dans ces dossiers et voir s’il est influencé par la race des patients.

Design de l’étude


Les auteurs ont étudié les dossiers des bébés hospitalisés en néonatalogie à Seattle entre janvier 2018 et décembre 2019. Les dossiers ont été anonymisés après avoir extrait les origines ethniques des patients ainsi que leur statut socio-économique enfin celui des familles parce que je suis pas sûre que les nouveaux-nés aient déjà un statut.
Finalement, 460 dossiers ont été retenus et à partir de là un chercheur devait qualifier les notes et les commentaires sociaux selon qu’ils étaient présents et s’ils pouvaient être qualifiés de positifs, négatifs ou neutres.
Pour info: la répartition des origines ethniques des patients: amérindien 5%, asiatique 8%, noir 10%, blanc 61% et le reste étant inconnu.

Résultats


Le prénom des parents et de la fratrie est cité moins fréquemment dans le dossier chez les familles racisées que chez les familles blanches (70% du temps chez les familles blanches VS 47% chez les familles amérindiennes), le statut migratoire des familles est cité dans 40% des dossier de familles noires VS 12% des familles caucasiennes, le statut marital des parents est cité plus souvent dans les familles racisées que chez les familles blanches.
Concernant le jugement des notes, des commentaires négatifs étaient contenus dans 32% des dossiers de patients amérindiens VS 18% des patients blancs et 14% des patients noirs.

Conclusion


Alors, effectivement les chiffres ne sont pas hyper flagrants mais on voit qu’il y a une légère tendance laissant penser à une influence de l’origine ethnique du patient sur la teneur des commentaires dans le dossier patient (particulièrement chez les patients amérindiens)
Il est nécessaire de garder en tête que nos biais inconscients guident notre prise de décision au moment de la pose du diagnostic et du choix de traitement. Reconnaître ces biais nous permet de mitiger leurs effets alors, pas de les supprimer complètement, on est pas dans le monde des Bisounours