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Voici un petit écrit (petit mais costaud) sur les composantes de la compréhension écrite et, surprise, la compréhension orale est une composante majeure (LA composante majeure?)
TagsTSLE, TDL, compréhension écrite, dyslexie
Titre originalOn the importance of listening comprehension
AuteursHogan Tiffany P., Adlof Suzanne M., Alonzo Crystle N.
Date de publication2014
RevueInternational Journal of Speech-Language Pathology
Lien Sourcehttps://10.3109/17549507.2014.904441

Disclaimer: Toutes les références complémentaires incluses dans les articles sont des références issues de l’article initial que j’ai choisi d’inclure pour les personnes souhaitant aller plus loin dans leur recherche. Il ne s’agit pas d’articles que j’ai personnellement lus. Ces références complémentaires seront placées dans une bibliographie secondaire dans les prochains articles.


Dans cet article, Hogan et Adlof s’intéressent encore au sub-groupe des mauvais compreneurs. On ne parle pas ici des dyslexiques mais bien des enfants ayant des capacités de décodage correctes mais ayant des difficultés d’accès au sens. Elles exposent ensuite les différentes composantes pouvant poser problème.

Petite colle: un jeune garçon est puni et doit lire à son grand-père, un texte complexe en allemand (langue qu’il ne comprend pas). Qui lit dans cette histoire? L’enfant ou le grand-père? Si on en croit le modèle “simple view of reading” (Gough et Tunmer, 1986) la lecture étant le décodage+la compréhension, ce sont donc les deux, ensemble, qui lisent!

Introduction


Le modèle développé par Gough et Tunmer, met en avant les deux composantes essentielles de la lecture que sont le décodage et la compréhension linguistique. La compréhension linguistique finit par être assimilée à la compréhension orale au fur et à mesure des recherches point à éclaircir. Chaque élément étant essentiel mais non suffisant pour accéder à la compréhension écrite.
L’importance de chacune des composantes, leur relation mais également le fait qu’il s’agisse de deux compétences distinctes a été étudié trèèès exhaustivement (Adlof et al., 2006; Braze et al., 2007; Dreyer & Katz, 1992; Gough et al., 1996; Hoover & Gough, 1990; Joshi & Aaron, 2000; Kendeou et al., 2009; Landi, 2010; San Chen & Vellutino, 1997).
La remédiation des difficultés de décodage a permis de nombreuses études avec des résultats satisfaisants (Gersten et al., 2008; National Reading Panel, 2000) contrairement à la remédiation des difficultés de compréhension, qui ont un peu été le parent pauvre de l’histoire. Les auteures alertent sur le nombre croissant d’enfants avec des difficultés de compréhension et donnent des pistes de remédiation.

Note: à ce sujet, je vous envoie vers le livre “The Knowledge gap” de Natalie Wexler qui expose la situation aux Etats-unis mais qui est totalement transposable à la France, le podcast “Knowledge matters” ainsi que le podcast “Science of reading”

L’importance de la compréhension orale augmente dans le temps


L’influence du facteur décodage, essentiel au début de l’apprentissage de la lecture, décroit progressivement avec l'avancement de l’enfant pour laisser une place de plus en plus importante à la compréhension. Peu d’études ont été faites à ce sujet mais une étude longitudinale de Catts, Hogan et Adlof (2005) étudiant les variances d’erreurs parmi toutes les classes d'âge a conclu que à partir de la 4ème TOUTES les variances en compréhension écrite pouvaient être expliquées par des erreurs de compréhension orale.

La prévalence des “mauvais compreneurs” augmente dans toutes les classes d’âge.


On peut séparer les enfants en échec de compréhension en trois groupes:
  • les dyslexiques: bon compreneurs mais mauvais décodeurs, les difficultés de compréhension découlent de difficultés de décodage.
  • les “mauvais compreneurs” qui sont bons en décodage mais avec des difficultés en compréhension orale.
  • le reste, composé d’enfants avec des faiblesses dans les deux domaines, Catts et al. (2005) les qualifie d’enfants avec des troubles du langage.
  • Quand on s’intéresse au groupe des enfants avec des difficultés de compréhension isolée, on remarque qu’ils ne présentent pas de déficit phonologique (Cainet al., 2000; Nation et al., 2004; Stothard & Hulme, 1996) (contrairement aux dyslexiques) en revanche, on retrouve des scores faibles en sémantique et syntaxe (Catts et al., 2006; Nation & Snowling, 1998; Nation et al. 2007) et en processus de compréhension de haut niveau comme les inférences ou la gestion de l’information multiple (Cain, 2003; Cain & Towse, 2008; Cain, Oakhill & Bryant, 2004).
    Les difficultés de ces enfants ne sont souvent identifiées que plus tard lors du passage de “apprendre à lire” à “lire pour apprendre” (Chall, 1967) passant de 16% en CE1 à 30% en CM1 (Catts et al., 2005) et restent stables à partir de là.
    Les difficultés de compréhension orale chez ce groupe est présent dès l’apprentissage de la lecture mais moins voyantes et deviennent évidentes quand les exigences augmentent (Nation et al., 2004). Une étude de Justice et al. (2013) montre une différence de profil des futurs mauvais compreneurs dès 15 mois.

    Les bases langagières de la compréhension écrite


    Rentrons dans le vif du sujet sur ce qui peut constituer le pool des mauvais compreneurs et où se situent spécifiquement leurs difficultés. Les auteures précisent également qu’elles ne traiteront pas des troubles des fonctions exécutives pouvant avoir également un impact sur la compréhension orale (mémoire de travail et attention). Allez, c’est parti mon kiki:

  • Le vocabulaire
  • Les épreuves lexicales sont un indicateur fort de compétences en compréhension orale et écrite (Braze et al., 2007; Cromley & Azevedo, 2007; Muter et al., 2004; Storch & Whitehurst, 2002). Les effets d’un travail de rééducation du lexique ont des effets positifs sur la compréhension de textes contenant les mots travaillés duh et un tout petit effet sur les épreuves de compréhension textuelles normées. De façon intéressante, les gains étaient supérieurs chez les enfants dyslexiques (Elleman et al., 2009).
    On note également l’importance du traitement sémantique des mots dans la compréhension textuelle. Si l’enfant peut avoir la signification d’un mot isolé peu fréquent, son utilisation dans un texte peut nécessiter de faire des liens sémantiques et surcharger l’enfant qui aura tendance à abandonner (Landi & Perfetti, 2007; Nation & Snowling, 1999).
    Par exemple pour le mot “Habitat”, “L’habitat naturel de l’oursin dans le récif corallien”. On parle pas de petite maison.

  • Les inférences
  • Bowyer-Crane et Snowling encore toi!! (2005) décrivent les inférences comme la façon dont le cerveau comble les “trous” dans l’histoire pour créer une image mentale cohésive.
    Graesser et al., (1994) détaillent les différents types d’inférences: les inférences locales concernant les pronoms relatifs c’est tout con mais ça pose souvent problème, les inférences qui complètent les non-dits du texte, les inférences élaborées d’anticipation… A priori, il y en a d'autres. Vous trouvez pas qu’on manque de matériel progressif dans ce domaine?
    Les mauvais compreneurs sont des mauvais inférenceurs (Bowyer-Crane & Snowling, 2005; Cain & Oakhill, 1999; Cain et al., 2001). On se doute de l’influence des connaissances générales (background knowledge) sur la capacité à inférer mais même lorsque les connaissances de base sur un sujet étaient les mêmes, certains patients avaient encore du mal à faire des inférences (Cain et al., 2001)
    Du coup, on va parler maintenant des connaissances antérieures, de la culture générale, la base quoi!

  • Les connaissances contextuelles

  • Adams et al. (1995) a montré l’importance des connaissances contextuelles pour la compréhension écrite. Ca parait logique, tu peux lire un texte sur le foot et rien n’y comprendre si on aime pas le sujet.
    L’impact du contexte socio-économique sur la culture générale est extrêmement important et à garder en tête, les enfants venant de milieu défavorisés étant les plus pénalisés (Burkam & Lee, 2002; Hirsch, 2003; Neuman, 2006).
    Le passage aux textes plus académiques provoque des disparités encore plus importantes, mettant les enfants en difficulté et impactant également leur capacité à créer des liens sémantiques et acquérir du nouveau vocabulaire et bam, effet Matthieu.

    L’évaluation des capacités de compréhension orale c’est le bordel


    En résumé, c’est ça mais dit plus poliment par les auteurs. “On sent une certaine hétérogénéité dans les domaines testés” huhu. Un consensus doit encore émerger sur la “bonne” façon de tester de façon effective la compréhension d’un enfant: texte de difficulté progressive, énoncés lus à voix basse avec QCM, Textes lus à voix basse et questions ouvertes…
    Et de façon plus importantes, il n’y a pas de consensus de norme à partir de laquelle on peut considérer qu’un enfant est mauvais compreneur mais je reprendrais la célèbre phrase de Justice Stewart “Je ne saurais pas définir l'obscénité mais je la reconnais quand je la vois” , pareil pour les mauvais compreneur :D

    Les interventions en compréhension écrite


    L’étude de Shanahan et al. (2010) montre l’importance d’une intervention multimodale: activation des connaissances antérieures, questionnement, monitoring progressif durant la lecture, visualisation, verbaliser les inférences, et restitution orale.
    Les résultats sont plus modérés sur les apprentissage des types de structures de textes et encore moins sur les interventions où les enfants discutaient du texte entre eux :))
    Le travail du lexique est problématique dans le sens où l’écart se creuse très vite entre les bons et les mauvais compreneurs effet Matthieu, le retour de la vengeance que les enfants ont beaucoup de mal à combler leur retard (Cain & Oakhill, 2011).
    Pas de méthode, prouvée pour rattrapper les retards en connaissance de base ah si, améliorer les conditions socio-économique des familles mais ça c’est pas le projet du moment hein Macron?
    Concernant le travail de compréhension global, Hogan et al. (2011) donne quelques pistes notamment la restitution et la verbalisation des inférences qui pourrait “un peu” améliorer la compréhension écrite. Voir aussi l'étude de Hulme et al. (2010) que j'ai résumée, le lien est plus bas.

    Conclusion


    Gardez en tête que la part de la compréhension orale augmente au fil du temps dans l’accès à la compréhension écrite et que maintenant que vous connaissez les différentes sous-parties, vous êtes plus armées pour trouver où sont précisément les difficultés de vos patients “mauvais compreneurs”. Après niveau rééduc, c’est pas ouf mais bon, life quoi! Vous pouvez lire l'article qui suit, pour des pistes:
    https://achille-orthophon
    et un autre résumé qui continue de plonger dans les profondeurs des compétences à l'oral des enfants dyslexiques par Adlof:
    https://achille-orthophon