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Cette méta-analyse, en fait, précède celle de Daniels et al. que j'ai déjà publiée et qui traite la même chose mais pour les collégiens. Ici Suggate cherche à voir si les progrès obtenus en langage écrit persistent même après la fin de la rééducation. Ca parait évident mais personne n'avait jamais pensé à verifier.
TagsTSLE, Dyslexie, Rééducation
Titre originalA Meta-Analysis of the Long-Term Effects of Phonemic Awareness, Phonics, Fluency, and Reading Comprehension Interventions
AuteursSuggate Sebastian P.
Date de publication2016
RevueJournal of Learning Disabilities
Lien Sourcehttps://doi.org/10.1177/0022219414528540

Disclaimer: Toutes les références complémentaires incluses dans les articles sont des références issues de l’article initial que j’ai choisi d’inclure pour les personnes souhaitant aller plus loin dans leur recherche. Il ne s’agit pas d’articles que j’ai personnellement lus. Ces références complémentaires seront placées dans une bibliographie secondaire dans les prochains articles.


Cette méta-analyse a été beaucoup lue et citée parce que c’est la première à avoir cherché à connaître le devenir à long terme des enfants ayant bénéficié de protocoles rééducatifs en langage écrit au primaire. Les études en question sur l’efficacité immédiate des prises en charge de la lecture: Bus & van Ijzendoorn, 1999; Ehri et al., 2001; Ehri et al., 2001; Suggate, 2010; Swanson, Hoskyn & Lee, 1999, mais sur le long terme,on reste sur notre faim.
Il est à noter que la méta analyse est trèèèès longue et détaillée au niveau statistique. Je vous conseille de la lire. Suggate a été très exhaustif sur les biais rencontrés et pondère tous ses résultats avec les biais qui pourraient être à l'œuvre. C’est intéressant mais on en ressort avec aucune certitude!

Des rééducations et des enfants


Ici, Suggate décrit les types d’intervention des études, toujours sur la lecture. Dans le testing immédiat, tous les enfants auront progressé mais certains plus que d’autre (ex: plus gros effet de la CPG sur les enfants à risque que sur les lecteurs pathos alors que la conscience phonémique aide tous les enfants (Ehri et al., 2001), on verra qu'il faut mitiger ces résultats encourageants en follow up)
Les interventions seront classés en deux groupes, le groupe A correspond aux programmes axés sur le décodage (correspondance graphème-phonème, conscience phonémique et fluence en lecture) et le groupe B concerne les programmes axés sur la compréhension écrite avec une approche plus globale de la lecture j’ai pas dit méthode globale.
Suggate remarque que la plupart du temps c’est l'âge des enfants qui détermine la méthode, on se focalise sur le décodage au début de l’apprentissage de la lecture pour passer ensuite aux protocoles axés sur le sens (vocabulaire, compréhension écrite). Seules 18% des études comportaient des mesures à distance…

Les caractéristiques des études


Au delà des effets à long terme, Suggate réfléchit aux autres variables pouvant intervenir sur les résultats:
  • Le ratio prof/élève, est-ce que les protocoles administrés en relation duelle sont plus efficaces que ceux effectués en petits groupes? A priori, pas d’effet évident en testing immédiat selon les études (Ehri, Nunes, Willows, et al., 2001; Elbaum et al., 2000; Suggate, 2010; but cf. Ehri, Nunes, Stahl, et al., 2001) mais on va voir si ce paramètre a un effet sur les résultats à long terme.

  • L’administrateur du protocole
  • Les protocoles administrés directement par le chercheur ont de meilleurs résultats en testing immédiat que ceux administrés par une personne tierce (Dignath & Buttner,2008; Ehri, Nunes, Willows, et al., 2001) ou les programmes informatisés (Cheung & Slavin, 2012; Ehri, Nunes, Willows, et al., 2001). Suggate rappelle tout de même que les chercheurs ont plus intérêt à ce que les chiffres soient bons et qu’il faut en tenir compte je l’aime bien.

  • La durée du protocole,
  • Truc de dingue, la durée du protocole n’est pas corrélée avec son efficacité en post test immédiat (Suggate, 2010). A priori, si l’étude est courte, le focus est réduit sur un petit nombre de tâches et donc subissent un effet plafond. L’auteur signale cependant que la majorité des approches sont multimodales avec moins de chances de plafonnement.

    L’impact méthodologique sur les résultats:


  • La qualité méthodologique des études
  • On rencontre un certain nombre de problèmes pour avoir une idée statistique claire des résultats en post test. D'une part, parce que des chercheurs ayant vu que leur méthode était bof bof n'auront pas envie de revenir un an après pour être sûrs que vraiment c’était nul (c'est le biais de publication) ,d'autre part si vraiment ça marchait bien les profs auront tendance à proposer les méthodes à la classe entière et intégrer d’autres enfants.

  • Les contraintes liées aux compétences
  • Certaines compétences n’ont pas de développement exponentiel et peuvent atteindre un plafond (genre la limite du nombre de correspondance phonème-graphème) (Paris, 2005) du coup, ça peut poser problème au niveau statistique parce que tu peux pas comparer des pommes et des oranges (des compétence qui plafonnent et des compétences plus vastes, comme le lexique par exemple).

  • Les effets de transfert
  • Parce que une compétence X travaillée dans le protocole rééducatif peut continuer de progresser même après le travail, parce que l’enfant aura progressé dans le domaine Y qui sera une compétence transversale qui influe sur les compétences X c’est clair ou pas?

    Les questions de recherche de Sebastian


  • 1. Quels effets des protocoles chez les enfants tout venants, à risque, mauvais lecteurs et pathologiques entre le post-test immédiat et le follow up?
  • 2. Dans quel mesure les résultats diffèrent selon le type d’intervention (A versus B)
  • 3. Quels sont l’effet des caractéristique de l’échantillon (âge, classe, sexe…) sur le follow-up?
  • 4. Quels sont les effets de la qualité méthodologique de l’étude sur les performances?
  • 5. Quelle est l’influence des caractéristiques propres à l’intervention sur les résultats (administrateur du protocole, ratio enfant/instructeur, temps entre le protocole et le follow-up…)?

  • Méthodologie


    L’auteur décrit les critères d’inclusion des articles dans la méta-analyse je vous laisse aller dans l’article pour le détail. Globalement, il s’agit de protocoles de rééducation de la lecture au primaire, des mesures directes en post-test et environ 12 mois après, différents groupes de lecteurs (pas d’amalgames entre retard et pathologie).Je ne vais pas rentrer dans le détail des données statistiques et comment elles ont été traitées. Les stats ont toujours été ma bête noire depuis le lycée.

    Discussion des résultats


    Dans le détail des variables ayant des effets significatifs:

  • La classe:
  • Alors c’est la grosse surprise! Si les effets des rééducations sont les mêmes pour toutes les classes en post-test immédiat, on constate que pour les petites classes (GSM et CP) les effets se sont presque totalement dissipés contrairement aux enfants plus grands pour qui le bénéfice des prises en charges est 3.5 fois plus important en post -test (donc 11 mois après). Il n’est donc pas nécessaire de paniquer niveau rapidité de prise en charge et qu’un enfant ne risque pas de prendre “de mauvaises habitudes”. En revanche, on se calme un peu sur la mode de faire de la CGP dès la moyenne section, hein? Je regarde vers toi Céline Alvarez

  • Le type d’intervention
  • La seconde surprise, c’est le contenu des interventions. En post -test immédiat, on ne constate pas de différence entre le travail de la correspondance graphème-phonème et la conscience phonémique, hors 11 mois après c’est la conscience phonémique qui gagne avec des enfants ayant de meilleures performances versus la CPG. Suggate nous dit cependant que les résultats étaient vraiment hétérogènes pour les deux types d’approches et qu’il n’y a pas de certitudes que l’une méthode est meilleure que la seconde, il suspecte qu’entre les deux test un travail de ces domaine a pu exister dans les classes qui peut expliquer ces résultats. Il dit aussi qu’un effet Matthieu est possible sur la conscience phonémique. Qui sait?
    On note également de bons résultats persistant pour les méthodes basées sur le sens mais il est à noter que ces protocoles sont plus souvent proposés aux enfants plus grands et on ne peut pas savoir si la variable importante est l'âge ou le contenu tu me suis?.

  • Le dosage
  • Étonnamment, la durée du protocole n’était pas une variable ayant un impact significatif sur les scores en follow-up, donc travaillons peu mais travaillons bien! Les études où un petit stage de rafraîchissement ont été proposés ont également montré le peu d’effet mais probablement car les enfants à qui on aura proposé de revoir les notions sont ceux qui avaient le plus de mal déjà.

    Limites


    Suggate suspecte un effet de publication, la plupart des études étant plutôt de grande échelle avec des résultats majoritairement positifs et forts peu de petites études avec des résultats mitigés, les auteurs ne vont pas se casser la nénette pour un truc moyen. Il suggère de créer une base de données avec toutes les interventions et les résultats pour mitiger cet effet c’est pas une mauvaise idée!.
    On ne constate pas d’effet de plafond non plus, ce qui laisse à penser que les examinateurs ont naturellement proposé des tâches un peu plus difficiles et à adaptées aux capacités de l’enfant, ce qui fausse les stats.
    Concernant la période entre la fin des protocoles et le post-test, il y a peu d’informations sur ce qui a été travaillé par les enfants au niveau du langage écrit autant pour les enfants ayant bénéficié des protocoles que les autres. On peut se douter qu’un enfant en difficulté n’a pas juste été laissé tombé et que d’autres aides individualisées ont été proposées entre temps avec évidemment une influence sur les mesures à distance.

    Qu’est ce qu’on retient de tout ça?


    Suggate dit qu’il est un peu déçu des résultats des interventions le pauvre, surtout si on tient compte des effets de publication qui font que la réalité est probablement encore pire. Les effets se dissipent encore plus vite en intervention précoce. Mais tout n’est pas perdu! Les résultats chez les enfants plus grands et les interventions basées sur le sens et la compréhension persistent plus longtemps. A priori, cela va dans le sens de ce que Suggate appelle le Luke effect c’est son petit bébé, c’est à dire qu’il y aurait un âge optimal d’apprentissage de la lecture et que ça sert à rien d’essayer de se précipiter, leurs petits cerveaux doivent se développer j’ai rien à dire sur le sujet, juste que c’est une théorie qu’il développe depuis sa thèse et qu’il a tout intérêt à trouver des trucs qui vont dans son sens.

    Concernant le contenu des protocoles, les rééducations basées sur le sens sont plus efficaces car ce sont des capacités transférables et qui s’ancrent plus facilement. Le mieux étant un protocole multimodal (compréhension + fluence en lecture) au CE1 puis un travail sur le sens seul (compréhension, vocabulaire etc) à partir du CE2, le principe étant que les difficultés de décodage sont en général minime à cet âge et qu’on doit mitiger l’effet Matthieu.

    Il enfonce le clou en disant que les résultats meilleurs de la conscience phonémique seule vont à l’encontre de la théorie du phonological linkage de Hatcher et al. (2004) qui reposant sur un travail intensif de la CPG et de la segmentation phonémique ne vous énervez pas contre moi, c’est lui qui le dit!

    Pour finir sur une bonne nouvelle est que les résultats en follow up persistaient le mieux chez les lecteurs pathologiques et avec un niveau très bas, par contre pas d’effet significatif entre rééducation en situation duelle versus petits groupes donc on se lâche sans mauvaise conscience sur les rééducations de groupe si c’est ce que vous aimez!