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Quand j’ai fait mes études, il y a presque 15 ans, on nous parlait peu d’éthique. C’était des phrases saupoudrées de ci, de là, des professeurs avec plus d’empathie qui nous questionnaient sur notre positionnement de futur thérapeute… Mais de véritable démarche, il n’y en avait pas.
J’ai vécu ma petite vie d’orthophoniste, à base de grands discours post-formations sur le protocole à mettre en place, de fiches de suivi et j’ai même produit une poignée de malheureux cahiers d’orthophonie.

La première personne qui m'a vraiment bousculée dans mes croyances était là où je ne l’attendais pas. A la tête d’une formation sur les dysphagies neuro gériatriques. Qui aurait pu croire qu’il s’agissait d’un sujet polémique? On devait parler d’eaux gélifiées et de purées non? Et bien non, elle ouvre la formation en nous mettant face à notre cadre éthique
“De quel droit décidons nous du régime alimentaire d’une personne âgée, c’est de la maltraitance!”
Et encore je vous la fait soft car il est impossible de transmettre à l’écrit, l’énergie et la fougue dont elle a pu faire preuve sur ces deux jours.

L’éthique est au carrefour de la déontologie, de la morale et de la science. C’est retrouver le patient où il en est, lui exposer les possibilités de soins liés à notre expertise et notre expérience qui lui permettra de faire un choix éclairé. Nous lui exposons ces possibilités mais devons respecter et même être porteuses de son agence. Et si parfois, le vrai choix éthique c’est de ne rien faire?

Est-il possible que nous participions à la violence institutionnelle que nous sommes les premières à dénoncer? Quand une famille nous vient adressée par la PMI sans vraie demande de leur part et que nous expliquons à cette maman, la façon dont elle doit communiquer avec son enfant, ne sommes nous pas en train de lui renvoyer un violent sentiment d’incompétence, tout à fait malvenu?
Que faisons-nous lorsque nous donnons des conseils sur les écrans alors que les parents savent déjà qu’ils ne remplacent pas les interactions familiales, si ce n’est de l’infantilisation?
Tout comme, retirer une alimentation solide à une personne âgée sous prétexte de la protéger.

Quand je dis ne rien faire, c’est une provocation. Parfois, c'est accepter de ne rien faire maintenant. D'autres fois, c'est ne pas faire ce qu'on pense le mieux. Nous devons entendre le patient et son entourage, proposer, informer et ensuite arriver à une décision partagée de soin ou de rien. Notre rôle en tant qu’orthophoniste est de rencontrer les parents où ils en sont, ne pas rajouter de la violence à la violence de leur situation.
Et parfois, ne rien faire, c’est bien et ce n'est pas si facile.